Le Meilleur, 11.08.2001

 

Un père privé de ses deux fils A 43 ans, Maurice Elfeke lutte pour récupérer ses enfants, enlevés en 1998 par leur mère allemande. Après un séjour en prison et une grève de la faim, ce consultant d'entreprise n'a toujours pas obtenu gain de cause. Par Virginie Thomas Pour avoir voulu défendre son droit de garde sur ses enfants, enlevés par leur mère allemande en 1998, Maurice Elfeke en a été quitte pour plus de trois semaines de prison! Une grève de la faim, entre le 25 juin et le 3 août dernier, la mobilisation de l'association SOS enlèvement d'enfants (*), un jugement en France et un autre en Allemagne lui accordant un droit de visite, n'ont rien changé à sa situation. Depuis 3 ans, ce consultant d'entreprise de 43 ans n'a toujours pas la possibilité d'exercer ses droits en Allemagne. Pire encore: la mère de Christopher, 8 ans et demi, et d'Alexandre, 4 ans et demi, vient d'entamer des démarches pour obtenir un changement de nom pour les enfants. "Elle s'appuie sur une loi qui date de 1938, explique Maurice Elfeke. Une loi du troisième Reich, qui avait pour but de germaniser les enfants polonais! Elle n'a jamais été abolie, et l'Allemagne permet encore à ses juges de la faire appliquer". L'enfer a commencé en juin 1998. A l'époque, la séparation semble se passer correctement, et c'est tout naturellement qu'il laisse partir ses enfants avec sa femme en vacances. Au bout de quelques semaines, le couperet tombe. Sans crier gare, son épouse l'informe que ses enfants restent en Allemagne. Elle exige une pension alimentaire de 15 000 francs par mois, la totalité des biens que le couple possède en France et un papier signé lui donnant la garde des enfants. "C'était les conditions qu'elle me fixait si je voulait voir Christopher et Alexandre", explique Maurice Elfeke. Ses recours: aucun! "Le problème de l'Allemagne est particulier, explique-t-il. Il n'y existe pas de binationalité. Dès qu'un enfant est enlevé par un parent allemand en Allemagne, il devient allemand". Outre-Rhin, un tribunal a bien confirmé le droit de visite. "Il n'y a aucune structure sur place pour faire exécuter le jugement", poursuit Maurice Elfeke. Histoire d'enfoncer le clou, sa femme a fabriqué de fausses preuves. "Elle a affirmé que nous avions toujours vécu en Allemagne, explique-t-il. J'ai produit toutes les preuves: titres de propriété en France, certificat de travail, allocations familiales, factures d'électricité, de téléphone, relevés bancaires ... Ils n'ont même pas pris la peine de les examiner". Erreur judiciaire? Volonté plutôt de privilégier le parent allemand. En juillet dernier, Maurice Elfeke se rend en Allemagne pour une énième audience. "A l'aéroport, une douzaine de policiers sont venus m'arrêter, armes au poing, explique-t-il. Je faisais l'objet d'un mandat d'arrêt depuis octobre 2000. Ni mon avocat ni moi-même n'en avions été informés". Objet de la plainte: destruction de gazon chez ses beaux-parents en novembre 1999, pour un préjudice de 45 000 marks (150 000 francs), ainsi que le vol de divers objets à leur domicile. Le tout sur la base du témoignage de la petite amie de son beau-frère, qui n'a jamais vu Maurice Elfeke de sa vie. "La vérité, c'est que je me suis effectivement rendu à l'école de mon fils avec des cadeaux à cette date, explique Maurice Elfeke. Or, la plainte date du 30 octobre 2000. Simplement parce que je suis retourné voir Christopher le 26 octobre, mais cette fois avec une équipe de l'émission "Sans aucun doute". Sa mère prétendait qu'il ne voulait pas me voir. Sous les caméras, il a couru vers moi dès qu'il m'a vu". Illégal, le mandat d'arrêt à été annulé. "Un deuxième mandat a été rédigé pour me maintenir en prison", poursuit-il. Ubuesque, la situation n'en est pas moins dramatique. Dans le courant du mois d'août, trois audiences doivent avoir lieu en Allemagne à propos de la plainte des beaux-parents de Maurice Elfeke. En septembre, un tribunal de Hanovre statuera sur le changement de nom des enfants. En attendant, Maurice Elfeke a l'interdiction absolue de contacter Christopher et Alexandre y compris par écrit ... (*) SOS Enlèvement d'enfants: 03 44 50 67 40 France-Allemagne: la guerre des enfants Environ 2000 enfants binationaux seraient enlevés chaque année par un parent étranger. "Sur ces 2000, environ 800 sont enlevés par un parent allemand, avec un refus systématique de retour de la part de la justice allemande, s'exclame Maurice Elfeke. C'est énorme, surtout lorsqu'on sait que nos deux pays sont les phares de la construction européenne!". Officiellement, seuls 540 cas sont pris en compte par le ministère de la Justice français. "Il s'agit uniquement des dossiers qui sont encore ouverts", objecte Maurice Elfeke. A la demande de SOS enlèvement d'enfants et d'autres associations, le ministère français promet de livrer des statistiques officielles depuis 3 ans. "Le problème, c'est que les autorités ne veulent pas alerter le public, conclut Maurice Elfeke. Les intérêts avec les pays "rapteurs" sont trop importants".